12 mars 2024

#2 : Lola (30 ans) raconte sa rectocèle…

Le point commun de toutes les femmes qui souffrent d’un prolapsus ? Le sentiment d’être seule. Pourtant, nous sommes des millions à être concernées ! Alors pour continuer à oeuvrer à briser le silence autour de cette pathologie, des femmes ont accepté de répondre à nos questions et de partager avec vous leur parcours avec le prolapsus, leur vécu, leurs peurs, leurs doutes, les changements dans leur rapport à leur corps, mais aussi leurs conseils, ce qui a fonctionné pour elles, comment elles s’adaptent pour continuer à vivre leur vie.

Dans cette série d’articles, découvrez les portraits et les histoires intimes et inspirantes de ces femmes résilientes, ces femmes qui vivent la même chose que vous. Vous n’êtes pas seule, notre communauté, une véritable sororité, est là pour vous soutenir !

Témoignage recueilli par email en 2024

1) Parlez nous de vous, qui êtes vous, quel âge avez-vous, quel est votre parcours, votre métier ? Quelles activités aimez-vous faire ?

Je me présente, je m’appelle Lola, j’ai trente ans. J’ai grandi en France, en région parisienne. Je vis avec mon conjoint et ma fille adoptive âgée de 6 ans. Je suis éducatrice spécialisée dans la réduction des risques liée à l’usage de drogues au sein d’une association en banlieue parisienne.
Aussi, je suis formatrice dans le secteur social/médico-social/médical, formatons en lien avec l’usage de drogue.
Au quotidien, je pratique la musculation et le footing, et cela depuis plus de 10 ans. En plus du sport, je suis friande des sorties entre amis et de culture (arts du spectacle, expositions, concerts…).

2) Quel est votre rapport à votre corps et votre intimité ? A-t-il évolué au fur et à mesure du temps ?

La question du corps a toujours été centrale dans ma vie et ce depuis mes premiers souvenirs.
J’ai grandi dans une famille pour qui le corps est primordial tant pour l’image que l’on véhicule autour de nous que personnellement. Etant en petit « surpoids » à l’âge de 12 ans, j’ai consulté une diététicienne.
Puis aux alentours de 15/16 ans j’ai commencé à développer une anorexie mentale qui a duré pendant 4 ans. Depuis je suis totalement soignée somatiquement, mais l’image du corps reste une préoccupation du quotidien, d’où une pratique intense et quotidienne du sport. Garder le contrôle sur mon poids peut de temps à autres être envahissant mais sans avoir un réel impact sur le quotidien et la vie sociale.

3) Comment avez-vous découvert votre prolapsus ? Combien de temps a été nécessaire pour obtenir un diagnostic ? Quelle fut votre réaction lorsque vous avez compris qu’il s’agissait d’un prolapsus ?

J’ai découvert mon prolapsus en consultant une gastro-entérologue à Saint Denis qui m’a ensuite orientée vers les Diaconesses. Cela m’a pris presque un an pour savoir et comprendre ce que j’avais, .

J’ai ressenti de la peur en premier lieu, car j’ai recherché sur internet des infos concernant le prolapsus. Ne me retrouvant absolument dans aucun des cas décris (femmes ayant eu plusieurs grossesses, femmes âgées…) je me suis fortement inquiétée et questionnée sur mon devenir avec ce prolapsus. Ne trouvant absolument aucun contact autour de moi ou de médecins qui prenaient en charge cette pathologie, je me suis sentie extrêmement seule et incomprise.
Avant de découvrir ce prolapsus, j’ai été confrontée à deux proctologues certains de leurs diagnostiques : des hémorroïdes.
Les traitements ne fonctionnaient pas bien sûr, raison pour laquelle j’ai décidé d’aller voir une femme, gastro-entérologue. Le deuxième proctologue m’a fait vivre une expérience atroce : il m’a fait plusieurs touchers rectaux sans gants, sans aucune protection et sans me prévenir de quoi que ce soit ni de ce qu’il faisait. Il m’a fait très mal et c’est à ce moment-là, après plus de trente minutes de consultation que j’ai décidé de partir. Je crois que ce moment restera encré en moi, j’y pense encore tous les jours.

4) Qu’est-ce qui vous gêne (ou vous a le plus gênée) avec le prolapsus ? En termes de symptômes physiques ou psychologiques, de rapport à vous-même, au vieillissement, au sexe, au sport…

Ce qui me gênait et qui me gêne encore c’était principalement les sensations de lourdeur, de pesanteur au niveau du rectum la plupart du temps ; comme la sensation d’avoir un tampon depuis trop longtemps qui commence à bouger/descendre. J’avais aussi quelques petites fuites urinaires mais rien de bien dérangeant.

Cela fait plus d’un an que je sais ce que j’ai et encore aujourd’hui j’y pense CONSTAMMENT. J’ai pu remarquer que lorsque je suis fatiguée, constipée, ou que ma charge mentale est dépassée, je ressens beaucoup plus cette pesanteur. Et c’est à ce moment-là que le cercle vicieux s’installe : je sens la pesanteur, j’y pense, ça m’inquiète, j’ai peur, donc j’y pense, donc je la ressens encore plus. Sortir de ce cercle j’y arrive de plus en plus, grâce à un suivi psy mis en place pour accepter le prolapsus, et grâce à mon conjoint qui sait offrir une oreille attentive et soutenante.
J’ai aussi dû prendre conscience et surtout accepter que ma pratique sportive avait dû avoir un impact sur ce prolapsus et que je devais lever le pied. Cela a été extrêmement compliqué.
Les premiers médecins me disaient de tout arrêter, je n’avais pas le choix. Cela m’était impossible ! Puis j’ai appris, lu, rencontré des médecins, j’ai discuté avec des comptes sur des réseaux pour découvrir que prolapsus et sport / parentalité /vie quotidienne étaient possible avec quelques précautions à prendre.
Au niveau de mon intimité, j’ai aussi dû apprendre à repérer, écouter mon corps, me toucher pour comprendre ce qu’il se passait à l’intérieur de moi. Je voulais reprendre possession de mon corps à force de me sentir étrangère et réduite à mon plancher pelvien seulement. J’avais l’impression que j’étais un périnée sur pattes et qu’à force d’y penser, cela se voyait sur mon visage.

5) Qu’est-ce que le prolapsus a changé dans votre vie quotidienne ? Quels aspects de votre vie ont été les plus impactés ?

Dans le quotidien, je porte un pessaire. Je le mets au lever et le retire le soir avant de dormir. Cela n’est pas dérangeant, je le prends comme si c’était une culotte ou une brassière, cela fait partie de moi aujourd’hui. Je n’envisage plus une seule journée sans. Cela m’a tellement soulagée de la sensation de pesanteur. Et cela me permet de continuer mon sport en réduisant l’impact de ce dernier sur le périnée, en plus d’une rééducation sportive pelvienne et d’une gestion de ma constipation.
J’évite cependant, dès que je le peux, de porter des charges lourdes pendant les courses. Je ne porte plus du tout ma fille, et j’ai beaucoup diminué mon sport.

Lorsque je suis dans une phase où la pesanteur est présente, tout mon quotidien est impacté, toute la journée. En plus de mon quotidien, je sais que ma famille en pâti aussi : je suis bien plus sensible émotionnellement, moins patiente, plus agressive. J’apprends à le dire, à prévenir que je ressens mon prolapsus pour que ma famille soit plus indulgente aussi.

6) Qui (ou quelles ressources) avez-vous consulté pour mieux comprendre ce qui se passait dans votre corps ?

J’ai consulté une urologue (Docteur Beurrier et Docteur Derireux aux Diaconesses), ma sage-femme et surtout je me suis documentée (Instagram, podcast, écrits…).

7) Qu’est ce qui vous a aidé à vous sentir mieux et mieux appréhender le prolapsus ? Était- ce le soutien de vos proches ? La compréhension et la bienveillance d’un partenaire ? Les témoignages d’autres femmes concernées ?…

Dans un premier temps ce fut mon conjoint directement lié et impacté par la recherche de mon mal et de mon mal-être. Puis ensuite, ce fut les médecins rencontrés. Ensuite (et surtout) les réseaux sociaux et certains comptes crées par des femmes qui m’ont expliquée, rassurée, soutenue, orientée. Ne plus se sentir seule, à mon âge, avec ce trouble, était devenu une obsession. J’ai trouvé des oreilles attentives, bienveillantes, qui m’ont indéniablement aidée.

8) Comment s’est passé votre parcours avec le corps médical ? Vous êtes-vous sentie accompagnée et bien prise en charge par les professionnels de santé ? Quels thérapeutes avez vous consultés ? Comment vous êtes-vous sentie ?

PAS DU TOUT. J’ai de la chance déjà, de vivre aux portes de Paris et d’avoir accès à plusieurs spécialités. J’ai aussi le luxe d’avoir des revenus suffisants pour pouvoir multiplier les rdv non pris en charges, les examens (radio, scanners, IRM, échos…) non pris en charge… J’ai donc gagné beaucoup de temps, mais cela a pris un an tout de même et pas mal d’argent.
J’ai pu évoquer précédemment les médecins rencontrés (bons, comme dangereux.) et les ressentis provoqués par ces diverses rencontres.

9) Le processus d’acceptation suite au diagnostic est souvent long et difficile mais pas insurmontable. Êtes vous d’accord avec cette affirmation ? Pourquoi ?

Je suis totalement en accord avec vous. Accepter un prolapsus c’est accepter une multitude de changements de bouleversements imposés.
La sexualité est concernée, l’intimité que j’ai avec moi-même, dans l’éducation de ma fille.
Ressentir des sensations qui s’imposent à nous, pendant une durée indéterminée, sans pouvoir agir dessus directement.
Penser à cela tout le temps, tous les jours. Y penser aussi quand on prévoit des sorties, des voyages. Je me dis à chaque fois « j’espère que je n’aurai pas trop de sensations de pesanteur, sinon ça peut me gâcher tel ou tel moment. »
Devoir sortir avec des amis lorsque les sensations de lourdeurs sont là me demande un réel effort pour ne pas rester allongée et de ce fait, ne pas ressentir cette sensation.
Il m’arrive aussi de désirer mon conjoint mais de ne pas avoir envie d’avoir de relations sexuelles car je sais qu’il va falloir que j’enlève le pessaire (ça enlève quand même pas mal de désir du fait de devoir prévoir ça) et qu’à la fin je ressente x10 la sensation de pesanteur.

10) Quelles solutions avez-vous choisies pour traiter votre prolapsus ou en corriger les symptômes ? En êtes-vous satisfaite ?

J’ai découvert l’existence des pessaires grâce au Docteur Beurrier. Cela m’a littéralement sauvée. Vraiment. Puis suite à de nombreuses discussions avec mes kinés, sage-femme, médecins j’ai pu les entendre et apprendre à me rassurer de plus en plus pour ensuite devenir plus autonome dans la gestion de ce prolapsus au quotidien. Les séances de kinés que je souhaite encore poursuivre (peut- être pour me rassurer encore un peu plus) m’aident beaucoup aussi.

11) Où en êtes-vous de la relation avec votre corps et avec votre prolapsus ? Par exemple, au niveau de l’image que vous en avez, de votre perception de la pathologie, de votre vécu psychologique… ?

Actuellement je me sens de mieux en mieux et lorsque je suis dans une période de lourdeur, j’arrive à le verbaliser. Le suivi psy me soulage mais encore plus le soutien de mon conjoint, et le contact que je sais possible avec d’autres femmes concernées par cela.

12) Que diriez-vous aux femmes qui découvrent aujourd’hui qu’elles sont porteuses d’un prolapsus ? Qu’auriez-vous aimé entendre lorsque vous étiez à leur place ?

Qu’elles ne sont pas SEULES. Que je suis là pour les écouter, les orienter. Je ne cesse depuis d’en parler autour de moi. D’une part pour faire connaître cette pathologie à toutes les femmes et jeunes femmes afin d’être vigilantes, mais aussi pour que les conjoint(e)s de ces femmes soient au fait de ce qu’est un prolapsus. Qu’il existe des solutions de soutien (physiquement, mais psychologiquement aussi).
C’est ce que j’aurai aimé entendre. Etre rassurée, entourée, qu’on m’explique tous les contours de ce problème « mécanique » que trop peu connu voire totalement inconnu dans la société mais aussi au sein du corps médical.

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